«Les habitants de la République tchèque bientôt plus riches que les Italiens et les Espagnols?»
Les Tchèques vont-ils accéder à un meilleur niveau de vie que les Italiens et les Espagnols? C’est la tendance que montrent les dernières prévisions d’octobre 2020 du FMI. En effet, le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat (PPA) de la République tchèque est en train de dépasser celui de l’Italie et de l’Espagne. Si ce phénomène est en partie dû à la crise actuelle, il vient néanmoins de bien plus loin et peut s’expliquer par les différences de politiques entre ces pays.
Il y a trente ans, la République tchèque sortait du communisme. En 1995, son PIB par habitant PPA s’élevait selon le FMI à 14174 dollars, contre 24341 dollars pour l’Italie et 18393 dollars pour l’Espagne à la même époque. En 2020, les chiffres des PIB par habitant PPA sont de 40293 dollars pour les Tchèques, 40065 pour les Italiens et 38143 pour les Espagnols.
C’est ainsi un véritable rattrapage économique qu’a opéré la République tchèque, tout particulièrement par rapport à l’Italie qui était un des pays fondateurs des Communautés Européennes (Union Européenne par la suite) et qui donc avait pu bénéficier du marché commun dès sa création.
Le pays a été dirigé, depuis son indépendance après l’effondrement de l’URSS (et sa séparation de la Slovaquie), par plusieurs personnalités libérales
La République tchèque n’a adhéré à l’UE qu’en 2004 et 15 ans plus tard, elle se retrouve plus proche des pays de l’Europe de l’ouest que des autres pays de l’ex-URSS (la Pologne et la Hongrie ayant en 2020 un PIB par habitant PPA de 33738 et de 32433 dollars). Le tout en ayant le taux de chômage le plus bas de l’UE avec 2% avant la crise actuelle et 2,8% pendant celle-ci. Cette progression s’explique par des choix politiques qui ont été fait par le gouvernement et la population tchèque.
La politique tchèque est favorable au libéralisme. Le pays a été dirigé, depuis son indépendance après l’effondrement de l’URSS (et sa séparation de la Slovaquie), par plusieurs personnalités libérales comme Vaclav Havel et Vaclav Klaus. Le premier a été l’icône de la résistance contre le communisme, défenseur des valeurs occidentales et président de la République de 1989 à 2003.
Vaclav Havel conserve une aura de héros national et de libérateur dans le pays voire dans le reste de l’Europe centrale (comparable à celle que possède le général De Gaulle en France). Vaclav Klaus, membre de la Société du Mont Pèlerin fondée par Friedrich Hayek, adhère aux principes de l’école d’économie autrichienne.
Il fut Premier ministre puis président de la République de 2003 à 2013. Il a aussi été le fondateur de l’ODS (Parti démocratique civique), le parti libéral-conservateur qui a dirigé le pays dans la majeure partie des années 1990 et 2000 et qui est désormais la principale force d’opposition depuis 2013. Ils ont forgé cette mentalité libérale que l’actuel Premier ministre Andrzej Babis et son parti ANO, bien que plus populiste, n’ont pas foncièrement modifiée.
L’importance des dépenses publiques, un droit du travail complexe et un fort interventionnisme économique, plombent la liberté économique
Une situation qui contraste avec l’instabilité politique de l’Italie et de l’Espagne, désormais marquées par un fort populisme illibéral: la première est actuellement dirigée par une alliance entre les socio-démocrates et le Mouvement 5 étoiles (la Lega de Salvini restant en embuscade) ; la seconde est gouvernée par une coalition entre les socialistes et la gauche radicale Podemos.
Il en découle des situations économiques et fiscales différentes. Sur l’échelle de l’Indice de compétitivité fiscale internationale 2020 de la Tax Foundation, la République tchèque est 8ème tandis que l’Italie et l’Espagne sont respectivement 36ème (sur 36) et 27ème. L’impôt sur le revenu en République tchèque est à un taux fixe de 15% alors qu’en Italie et en Espagne il peut monter jusqu’à 47,2% et 43,5%. En matière d’impôt sur les sociétés, il est fixé à 19% en République tchèque, 25% en Espagne et à plus de 27% en Italie.
Une situation qui est corrélée à la liberté économique des pays: la République tchèque est 23ème dans l’index de liberté économique d’Heritage Foundation, l’Italie 74ème et l’Espagne 58ème. Comme le rappelle ce think tank, l’importance des dépenses publiques, un droit du travail complexe et un fort interventionnisme économique, plombent la liberté économique des deux derniers.
Alors que le libéralisme tchèque profite à la population: le pays est le troisième le plus égalitaire de l’OCDE (après la Slovaquie et la Slovénie), si l’on se base sur le coefficient de Gini. La liberté économique n’entraîne donc pas l’appauvrissement de la population au détriment d’une minorité, bien au contraire. Offrir un environnement politique et économique sain donne des résultats positifs.
Selon les données d’Eurostat, le pays dégage un surplus budgétaire depuis 2016
Il convient de préciser que la République tchèque, bien qu’étant bénéficiaire des aides de l’UE, est en passe de devenir contributrice nette au budget européen d’ici 2025. En effet, selon les données d’Eurostat, le pays dégage un surplus budgétaire depuis 2016. Le type de libéralisme prôné par le pays laisse à penser qu’il pourrait rejoindre à terme le groupe des Frugal Four. Le pays est avant tout tourné vers l’Allemagne et l’Autriche, qui sont respectivement un soutien et un membre des Frugal Four.
L’avenir nous dira quelle position prendra la République tchèque. Néanmoins, des voix plaident déjà pour un alignement des positions budgétaires sur celles des frugaux: Jan Zahradil, député européen de l’ODS et ancien Président du Parti des conservateurs et réformistes européens CRE (le parti européen fondé par les conservateurs britanniques) a exprimé son souhait que le gouvernement tchèque s’aligne sur les positions budgétaires du Danemark et des Pays-Bas.
Nous avons déjà dit, dans un précédent article de l’IREF, que le centre de gravité européen semblait se déplacer vers l’Europe centrale en particulier l’Allemagne. Les performances de la République tchèque le confirment. Les tchèques blaguent parfois en décrivant leur pays comme le 17ème Lander allemand. La réalité géopolitique et économique du pays le confirme.
https://www.lefigaro.fr/vox/economie/les-habitants-de-la-republique-tcheque-bientot-plus-riches-que-les-italiens-et-les-espagnols-20201118