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Louis de Broglie et la culture générale du FLE

24. 8. 2010

 

En plus des options méthodologiques, nos chères et chers collègues sont aussi amenés dans leur pratique quotidienne à déterminer le contenu de leur enseignement. Le champ de la civilisation ne fait sans doute pas à exception à la règle. Et puisqu’on ne peut pas tout enseigner, il faut se résoudre à faire certains choix. Or la prise de décision quant à la nature du contenu, loin d’être innocente, résulte d’une polémique mettant en jeu certains principes généraux imposés par les ministères en charge des promotion et du contrôle des programmes et des méthodes. Certains de ces principes semblent relevés du simple bon sens. Ils n’en restent pas moins problématiques dans leur application. Je demanderai au lecteur dans le cadre de court article si par exemple l’histoire des sciences et des techniques est un domaine inutile à la culture des enseignants du FLE ?

I

L’inépuisable somme historique réunie par Christian Puren[1] nous fournit un exemple de cette polémique. L’auteur nous présente un argument visant à exclure des contenus de civilisation les références aux sciences et aux techniques. Ainsi le professeur de LE n‘est pas un spécialiste des descriptions de machines et des mystères de la télégraphie sans fil ou du radium- à supposer la compétence du démonstrateur- (PUREN, p.180). Bien sur l‘ironie transparait; elle sert ici d‘amplification démontrant par une analyse aux limites le caractère absurde et inutile de certains contenus.

Le professeur de LE n’est certes pas un ingénieur, seulement, en ce qui concerne le radium[2], il semble bien qu‘une telle information puisse trouver sa place dans les cours de leçons de choses, usage de documents authentiques. En effet le dernier billet de cinq cents francs était justement illustré par les portraits des Curie et d‘un schéma du radium.

On voit donc mal un enseignant présenter à ses élèves un système de la monnaie tronqué sous prétexte d’avoir par principe exclu de son enseignement toute référence à l’histoire des sciences et des techniques.

II

Au lecteur attentif qui remarquerait qu’à l’âge des euro mon exemple sent le sapin, j’ajouterai qu’il est également probable que l’enseignant de langue étrangère travaillent avec des élèves des sections scientifiques (tant aux lycée que dans les facultés).

En abordant les lois de l’optique ou de l’acoustique, ils buteront sur une curiosité orthographique typiquement française car l’équation utilisée dans ces disciplines porte le nom d’un savant génial dont la famille princière possède une origine italienne. Comment donc prononcé le patronyme de celui qui révolutionna notre vision du monde en 1923 en fondant la mécanique ondulatoire par la généralisation du dualisme onde-corpuscule[3] à l'ensemble de la matière ? A l’entendre, on pourrait tout aussi bien écrire de Breuil, ou encore de Brœuil. Cependant l’orthographe correcte reste Louis de Broglie.

III

 L’intérêt de l’œuvre du savant dépasse en réalité largement l’anecdote culturelle ou phonétique. Elle fourmille de vues générales et théoriques toutes à même d’éclairer les débats en méthodologies des LE.

Il en est par exemple ainsi de la polémique autour de la place des phénomènes d’induction dans l’apprentissage. Louis de Broglie en donne une définition simple et efficace : « le raisonnement inductif s’appuie sur l’analogie, sur l’intuition, il fait appel à l’esprit de finesse plus qu’à l’esprit de géométrie, il cherche à deviner ce qui n’est pas encore connu afin d’établir de nouvelles règles qui pourront ensuite sevir de base à de nouvelles déductions.»[4].

Lintérêt de cette défintion pour lenseignement est clair. En effet, les règles de la LE sont inconnues de lapprenant. Elles lui sont donc des règles nouvelles à découvrir. Cette première phase de découverte de la leçon sera ensuite complétée par une phase déductive pendant laquelle l’élève appliquera systématiquement ces nouvelles règles à de nouveaux contextes (soit par des exercices lacunaires, soit par des jeux de rôles.)

Cette définition peut aussi nous aider à mettre à jour la relation entrenue par la LE et la langue maternelle (LM) de lapprenant. Il est possible en effet dassimiler lesprit géométrique au raisonnement déductif. La déduction possède la rigueur de la logique et la sécurité des axiomes. Mais cette rigueur est une prison qui lui interdit d’aborder quelque chose de réellement nouveau (BROGLIE, p.260). Ce nest donc ni daprès les règles de sa LM ni des règles transitoires des grammaires provisoires et variantes que lapprenant pourra découvrir les règles définitives de la LE. Il est impossible de déduire le fonctionnement dune LE à partir de la seule analyse de sa LM ou des règles de transition. Il faudrait davantage considérer la LM comme cette prison des anciennes règles qui pousse lapprenant à construire ses phrases daprès les schémas linguistiques dont il a lhabitude.

En suivant cette approche de la possibilité de découverte, il semble que la LM devienne un obstacle pédagogique dont la définition correspond à celle de lobstacle épistémologique donnée par Gaston Bachelard[5]. Lapprentissage de la LE se ferait alors non pas à partir de la LM, mais en dépit de celle-ci, de la même façon qu’une grammaire définitive se met en place aux dépens des grammaires transitoires.

IV

Ce petit exemple nous mène à interroger les contenus concrets de la notion de culture générale de la LE. Que doivent savoir les élèves, comment décider des contenus de la réalie lors du contrat d’apprentissage; qui de l’enseignant ou de l’apprenant impose-t-il au second ses choix (question qui dépasse le seul cadre de la distinction des publics captifs ou dits libres ) ? Faut-il suivre Beaujeu et opter résolument pour une culture générale pour laquelle ni les réalités matérielles ni la vie extérieure du peuple étranger ne sont des objets éducatifs (PUREN, p.179) ? Se dessine alors un programme d‘une éducation par la subjectivité; une éducation sentimentale de la LE. Les Humanités proposées ici sont amputées à la fois de l‘homme du labeur (les techniques) et celui du laboratoire (les sciences).

En fait littéraire et scientifique devraient partager la même culture générale et ne diverger que dans leurs particularités : l’histoire des arts et des techniques. Les deux aspects s’éclairent l’un l’autre lors de leurs synthèses historiques dont la culture se compose à l’image de la très républicaine encyclopédie de Diderot.



[1] PUREN, Christian. 1988. Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues. Paris, Clé international (coll. « Didactique des langues étrangères »), ISBN 2.19.0033266.4

[2] Découvert en 1898 par Pierre et Marie Curie en même temps que l’élément polonium, dont l’appelation rend hommage à la patrie de Maria Sklodowska.

[3]Einstein découvre le dualisme d’un objet (le photon) descriptible soit comme une onde, soit comme un corps (dualisme onde-corpuscule) pour décrire la lumière, inventant une nouvelle équation applicable aussi en optique. De Broglie montre que ces lois dualistes sont applicables à tous les corps, les ondes optiques ayant les mêmes formes que les ondes matérielles (acoustique).

[4] BROGLIE de, Louis. 1992. Nouvelles perspectives en microphysique. (coll. « Champs. ») ISBN 2-08-081269-6, première édition Albin Michel, 1956.

[5] BACHELARD, Gaston. 1996. La formation du nouvel esprit scientifique. ISBN 2-7116-1150-7, première édition Vrin, 1938

 

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