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La pédagogie différenciée

La pédagogie différenciée comme solution aux problèmes soulevés par l'hétérogénéité

 

Le premier juin 2023, la section de français du centre de préparation aux langues étrangères de la faculté des sciences sociales de l'Université Charles à Prague a organisé un séminaire, dirigé par Madame Catherine David de l’université d’Aix-Marseille, et intitulé Pour un enseignement/apprentissage créatif au sein d´une classe de FLE/S multilingue et multi-niveaux. Ce séminaire était destiné aux enseignants de français langue étrangère (F.L.E.) ou français langue seconde (F.L.S.) en milieu universitaire et se donnait comme objectif de familiariser les participants à la problématique de l'hétérogénéité.

Catherine David a d’abord fait référence à la notion d'hétérogénéité comme une situation très problématique pour l'enseignant, le poussant à organiser un cours unique pour des apprenants maitrisant de la langue cible à des niveaux différents dans leur : « Les classes de langues étrangères multilingues et multi-niveaux sont des situations didactiques complexes et fréquentes au sein de certains centres universitaires.» (David C. et alii. 2022 ) Ces situations sont fréquentes car l’organisation de l'enseignement des langues étrangères en milieu universitaire fait souvent face à des problèmes d'effectifs entrainant des stratégies d'économies budgétaires. Mais en pointant le problème du multilinguisme au sein de la classe, en ne se contentant pas de circonscrire le concept d’hétérogénéité à une problématique « multi-niveaux » des apprenants, Catherine David renvoie vers une hétérogénéité conçue comme l'agrégation, dans un seul groupe, d'un ensemble d'individus radicalement différents les uns des autres. C’est dans ce sens que va s’imposer, dans une certaine épistémologie de la didactique des langues, la notion de complexité comme la cause essentielle rendant compte de l’existence nécessaire de l’hétérogénéité.



Catherine David préconise la mise en place d'une pédagogie différenciée pour résoudre les problèmes posés par l'hétérogénéité en classe. Même si la notion de « pédagogie différenciée » ne peut se réduire ou se se confondre avec celle de « pédagogie ouverte », elle n'en reste pas moins l'héritière de l'idée d'une « éducation pour tous » déjà élaborée au XVIIème siècle par Coménius.
Dans l'introduction de sa  Grande didactique - didactica magna (1638) le grand savant a présenté un « traité de l’art universel d’enseigner tout à tous, ou le moyen sûr et soigneusement établi d’instituer dans toutes les communes, dans toutes les villes et dans tous les villages de n’importe quel pays chrétien, des écoles telles que toute la jeunesse des deux sexes, sans excepter personne nulle part, puisse être formée aux belles lettres et aux sciences. » Etienne Krotky rappelle que le « développement simultané [ de tous les enfants, doués et déficients] constitue l'objet de l'éducation. » (Krotky, 626) Pour préparer l'enseignant dans sa gestion des différences individuelles, Comenius a « esquissé une véritable théorie des caractères. »(Krotky, 628)
Malgré sa présence au cœur du programme en vue de fonder la pédagogie moderne élaboré par Comenius, Christian Puren observe que « la problématique de la différenciation est pratiquement absente des recherches en didactique du FLE depuis son émergence dans les années 1960 » (Puren : 2013, 8) Cette absence a poussé le chercheur français à intégrer la problématique de la différenciation dans ses travaux. Pour l'enseignant face à la classe, la première étape de sa démarche consiste en l'évaluation du niveau du groupe et des étudiants (PUREN, 2001.)

La différence de niveau peut résider entre les apprenants : dans un même groupe, on trouve réunis des apprenants de différents niveaux A1, A2... Cette évaluation relève du niveau inter-individuel.

Il est nécessaire de compléter cette première étape de l'analyse par une évaluation intra-individuelle. En effet, un même apprenant peut démontrer des niveaux de compétences différents. Son niveau de compréhension orale peut, par exemple, relever du B2 ; alors que son niveau de production écrite ne dépassera pas le niveau A2.

Dans tous les cas, l'objectif de l'enseignant est de trouver pour chaque compétence de l'apprenant sa zone proximale de développement (VYGOTSKIJ,1934).

Cette évaluation des niveaux par compétences doit permettre l'élaboration de contenus différenciés, de processus différenciés (des manières de travailler et d'accès au sens différents), des structures des exercices et le temps qui leur est consacré adaptés et pour finir, des contextes de production également différenciés.

Dans un second temps, le problème de l'hétérogénéité implique la mise en place d'une pédagogie différenciée qui permette à l'apprenant d'emprunter des voies différentes pour son apprentissage.

Par exemple, lors du visionnage d'une vidéo, ou de la lecture d'un texte, les exercices et les questions de compréhension seront différentes et adaptés à chaque niveau présent dans le groupe. Dans le cas d'un texte lacunaire, les points à compléter seront différents et adaptés à chaque niveau. Pour un jeu tel que le « jeu de l'oie », les cases renvoient à un numéro présent sur des cartes-questions spécifiques à chaque niveau. Ainsi la case 12 renvoie à la carte-question 12-A1, 12-A2, etc. L'enseignant peut ainsi travailler avec un document unique pour tous, les consignes sont différentes et adaptées à chaque niveau des apprenants. D'une manière générale, les documents authentiques sont particulièrement bien adaptés à la pédagogie différenciée car ils se prêtent aisément à une simplification pour les premiers niveaux, soit à une complexification pour les niveaux plus élevés.

Les approches différenciées ne sont pas condamnées à se limiter à des approches personnelles. Elles peuvent s'appliquer directement à un travail en groupe. La production d'un document, ou la réalisation d'un projet commun, permet à chaque apprenant de réaliser une tâche adaptée à son niveau. Cette tâche individuelle viendra cependant compléter un travail collectif.