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Passé simple, passé composé...

Le passé simple a pratiquement disparu de l’usage oral. Cette disparition s’est effectuée progressivement à partir du XIIe siècle. Dès l’ancien français, le passé composé avait pris, comme le parfait latin, une valeur de prétérit – on l’appelait le « prétérit indéfini », –concurrençant ainsi le passé simple. On observe très tôt une spécialisation de ces deux temps : le passé simple est employé pour la narration pure alors que le passé composé est préféré quand les faits passés sont mis en relation avec le présent.

Henri Estienne a introduit au XVIe siècle la loi des vingt-quatre heures : le passé composé devait évoquer des événements récents (moins de 24 heures), le passé simple des faits plus éloignés dans le passé. On peut lire dans la Grammaire générale et raisonnée d’Antoine Arnauld et Claude Lancelot (1660) : « J'écrivis ne se dit proprement que d'un temps qui soit au moins éloigné d'un jour de celui auquel nous parlons : car on dit bien, par exemple, j'écrivis hier mais non pas j'écrivis ce matin, ni j'écrivis cette nuit , au lieu de quoi il faut dire, j'ai écrit ce matin, j'ai écrit cette nuit, etc... ».

Cette règle des vingt-quatre heures fut suivie par les auteurs du XVIIe siècle, en particulier par des tragédiens comme Racine, soucieux de ne pas transgresser la règle des trois unités.

Cette règle des vingt-quatre heures prouve également, par son existence même, que le passé simple était encore vivant en français classique. Elle préfigure les analyses énonciatives, en reliant plus étroitement le passé composé au présent de l’énonciation et en rejetant le passé simple dans un passé qui en est séparé. Elle a inspiré la tradition grammaticale, qui oppose ces deux temps en fonction de la distance entre le procès (action, état) passé et le présent : le passé simple évoquerait un passé lointain.

La disparition du passé simple de l’usage oral s’explique par son absence de relation avec la situation d’énonciation : à l’oral l’énonciateur s’implique inévitablement dans son énoncé ; pour rapporter des faits passés, il aura naturellement recours au passé composé, et non au passé simple, qui établit une distance par rapport aux événements.

A l’écrit même, on observe une raréfaction des premières et deuxièmes personnes du passé simple, en particulier au pluriel (nous chantâmes, vous chantâtes). Cela peut tenir à la complexité morphologique des personnes du pluriel. Mais cette raréfaction a aussi une raison énonciative ; dans la mesure où le passé simple s’est spécialisé comme temps du récit, il s’y emploie essentiellement à la troisième personne, qui n’implique pas l’énonciateur, à la différence des deux premières : Il alluma sa lampe torche, pénétra dans le vestibule, ouvrit la première porte, et tomba nez à nez avec Cyrano de Bergerac.

Cependant, on rencontre le passé simple dans les récits littéraires à la première personne (mémoires, récits autobiographiques...) : Deux mois s’écoulèrent : je me retrouvai seul dans mon île maternelle ; la Villeneuve venait de mourir. En allant la pleurer au bord du lit vide et pauvre où elle expira, j’aperçus le petit chariot d’osier dans lequel j’avais appris à me tenir debout sur ce triste globe (Chateaubriand, Mémoires).

 

D’après Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat, René Rioul,

Grammaire méthodique du français, 1994.*

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Et le journalisme sportif vint à la rescousse du passé simple

Par Yannick Cochennec - mis à jour le 29.11.2013 à 12 h 42

Comment une linguiste s'intéressa aux temps utilisés dans les journaux pour parler de sports et ce qu'elle y trouva.

 

Extraits :

Sur les 120 articles dépouillés lors de cette enquête publiée chez L’Harmattan, 849 occurrences du passé simple ont été ainsi relevées et leur nombre ne faiblit pas aujourd’hui. Une surprise surprenant au regard de l’évolution supposée de ce temps dans le système temporel français. «En fait, le passé simple a quasiment disparu de l’expression orale, remarque Ghislaine Rolland-Lozachmeur. Il n’est plus utilisé que par des personnes relativement âgées ou dans des zones géographiques particulières. Il se dit, par exemple, que la région de Rennes est encore très sensible au passé simple. Lorsque j’ai commencé mon enquête pour retrouver sa trace dans les journaux avec l’aide de mes étudiants, quelle ne fut pas ma surprise de constater que s’il y avait bien un endroit où il survivait encore, eh bien, c’était au cœur des rubriques sportives!»

Lundi 25 novembre, la rubrique automobile de L’Equipe a ainsi relaté le départ à la retraite du pilote australien de Formule 1, Mark Webber, au terme du Grand Prix du Brésil.

«Lorsque Webber pénétra dans le stand, la musique d’ordinaire très techno chez Red Bull s’adoucit pour un Waltzing Matilda, cette ballade populaire australienne devenue l’hymne officieux du pays avant d’enchaîner sur le très aussie Down Under des Men at Work. Ému, l’Australien tint pourtant bon.

Dehors, quelques-uns de ses amis portaient le tee-shirt noir qu’il leur avait offert. Frappé d’un X blanc, marqué d’un “made my Mark” (je laisse ma Mark), il rappelait ses 215 Grands Prix disputés. Lorsqu’il présenta sa F1 sur la grille, ses mécaniciens portaient tous le chapeau de brousse australien. Là encore, le visage de Webber resta impassible. Mais, lorsqu’à quelques secondes du départ, son copain Fernando Alonso vint longuement le serrer dans ses bras, l’émotion perça.

«Je suis vraiment ravi de terminer sur ce podium avec sans doute les deux meilleurs pilotes actuels, Fernando et Sebastian», tentait-il de conclure la conférence de presse.

Bernie (Ecclestone) avait un dernier cadeau pour le jeune retraité de trente-sept ans: un drapeau brésilien signé de presque tous les pilotes. Seul manquait Vettel qui s’exécuta ensuite, sans révéler sa dédicace. «Il va vraiment nous manquer», lâchait pudiquement Alonso. Touché, son drapeau dans les bras, Mark Webber partit. Définitivement regretté par tous. Cette année, il n’aura pas réussi tous ses départs. Le dernier, lui, fut parfait.»

Dans le cadre du journalisme sportif, il n’est pas exagéré, selon Ghislaine Rolland-Lozachmeur, de parler de «véritable abondance de passé simple».

«La raison essentielle est la suivante, explique-t-elle. Le passé simple a ceci de supérieur au passé composé qu’il renvoie à l’épique, à la chanson de geste, à l’héroïsme. C’est un temps qui convient parfaitement à la ponctualité, aux événements instantanés, ce qui n’est pas du tout le cas du passé composé qui est lourd, lent

 

http://www.slate.fr/story/80475/journalisme-sportif-passe-simple

 

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