Du Rex Francorum au roi de France - II
Roman national et documents sigillaires. Les Plantagenêts Rex Franciae
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Du Rex Francorum au Roi de France - I.bis
Roman national et documents sigillaires. Le cas de Philippe II Auguste.
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Edouard III Plantagenêt, premier Rex Franciae
L'empire Plantagenêt vers 1189, à la mort d'Henri II

https://en.wikipedia.org/wiki/Angevin_Empire#/media/File:Henry_II,_Plantagenet_Empire.png
Malgré l'existence d'hypothèses différentes, bâties certainement sur la base de documents douteux, c'est bien après l'époque de Philippe II qu'on voit apparaitre, pour la première fois, un titre venant concurrencer celui de Francorum Rex.
KAROLVS : DEI : GRACIA : FRANCORVM : ET : NAVARRE : REX

1322
http://www.sigilla.org/sceau-type/charles-iv-france-premier-grand-sceau-39685
En 1328, Charles IV décède en ne laissant que des filles (En 1322, il avait répudié pour cause d'adultère sa première femme Blanche de Bourgogne). Les grands seigneurs français choisirent comme roi, son cousin Philippe de Valois neveu de Philippe IV et écartèrent le neveu du roi (et petit-fils de Philippe IV mais par une femme) Édouard III roi d'Angleterre. Ce fut une des causes directes de la guerre de Cent Ans.
https://fr.vikidia.org/wiki/Charles_IV_le_Bel
La dynastie des Capétiens semble être assurée pendant et après le règne du roi Philippe IV le Bel, de 1285 à 1314. À la mort de Philippe, trois fils lui survécurent (Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel) ainsi qu'une fille (Isabelle de France). Chacun des fils devint roi tour à tour, mais mourut jeune et sans héritier mâle, en ne laissant que des filles, lesquelles ne pouvaient hériter du trône. Lorsque Charles IV meurt en 1328, la succession du royaume de France devient plus problématique.
En 1328, trois candidats potentiels pouvaient prétendre au trône :
- Philippe VI de Valois, fils de Charles de Valois, le plus proche héritier dans la lignée masculine, et petit-fils de Philippe III (régnant de 1270 à 1285). Puisque son père était le frère de Philippe IV, Philippe VI était par conséquent le neveu de Philippe IV ainsi que le cousin de Louis X, de Philippe V et de Charles IV. Ainsi, Charles IV le choisit comme régent avant sa mort ;
- Jeanne II de Navarre, fille de Louis X. Bien que Philippe V ait utilisé sa position relativement à sa nièce pour prendre le trône en 1316, Jeanne pouvait toutefois très grandement prétendre à l'héritage de Philippe IV, ce qui a été soutenu par sa famille maternelle après la mort de Louis X. Elle reçut finalement le royaume de Navarre, qu'elle pouvait faire hériter à des filles ;
- Édouard III, fils d'Isabelle de France, elle-même fille et seul enfant survivant de Philippe IV. Édouard a prétendu au trône du royaume de France en tant que petit-fils de Philippe IV.
En Angleterre, Isabelle de France prétendit au trône au nom de son fils de 15 ans. Tout comme le système français, la loi d'Angleterre de succession ne permettait pas la succession de femmes1, mais autorisait la succession dans la lignée féminine (par exemple avec Henri II d'Angleterre). La France contesta sa demande, en avançant que si elle ne pouvait pas elle-même succéder au trône, car étant une femme, elle ne pouvait pas non plus transmettre un tel droit à son fils. Finalement, les magistrats français choisirent Philippe de Valois pour nouveau monarque, qui devint alors Philippe VI de France. Séparément, le trône de Navarre alla à Jeanne de France, fille de Louis X, qui devint Jeanne II de Navarre.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Valois
PHILIPPUS (2 étoiles) DEI (2 étoiles) GRACIA (2 étoiles) FRANCORVM (2 étoiles) REX

1328 - 1350
http://www.sigilla.org/sceau-type/philippe-vi-france-premier-sceau-majeste-40087
Dans le contexte du début de la guerre dite de cent ans et de la concurrence entre les souverains des deux côtés de la Manche pour le contrôle des Gaules, c'est Edouard III Plantagenêt, cherchant à se rallier les Flandres au dépend de Philippe de Valois, qui adopte le titre de Roi de France et devient Rex Angliae et Franciae et Dominus Hiberniae et Dux Aqvitanie(1340). Ses successeurs resteront King of France jusqu'en 1801.
Ce fut par le conseil d'Artevelle qu'Edouard prit ce titre de roi de France que ses successeurs n'ont point encore quitté. L'objet de cette démarche était de lever le scrupule que les Flamands pouvaient se faire de porter les armes contre leur suzerain : or ce suzerain était le roi de France, quel qu'il fût.
Encyclopédie. Histoire. Tome I. Article Artevelle. p.428
https://books.google.cz/books?id=zokPAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
https://en.wikipedia.org/wiki/Style_of_the_British_sovereign
EDWARDVS DEI GRACIA REX FRANCIE ET ANGLIE DNS HYBERNIE ET DVX AQVITANIE

1340
http://www.sigilla.org/sceau-type/edouard-iii-angleterre-1312-1377-roi-france-angleterre-quatrieme-sceau-28162
French territory once again became the subject of dispute after the death of the French King Charles IV in 1328. Edward III claimed the French Throne, arguing that it was to pass to him through his mother Isabella, Charles IV's sister. In France, however, it was asserted that the Throne could not pass to or through a woman. Edward III began to use the title "King of France" (dropping "Duke of Aquitaine") after 1337. In 1340 he entered France, where he was publicly proclaimed King.
In 1360, however, he agreed to relinquish his title to the French claimant. Though he stopped using the title in legal documents, he did not formally exchange letters confirming the renunciation with the French King. In 1369 Edward III resumed the title, claiming that the French had breached their treaty.
Henry V invaded France, but agreed to the Treaty of Troyes, whereby he was recognised as the Heir and Regent of France, in 1420. He died in 1422, to be succeeded by his infant son, who became Henry VI. Shortly after his accession, Henry VI also inherited the French Throne. By the 1450s, however, England had lost all its territories in France, with the exception of Calais. The claim to the title of "King of France" was nonetheless not relinquished until the creation of the United Kingdom of Great Britain and Ireland in 1801, by which time the French monarchy had been overthrown by the French Revolution.
https://en.wikipedia.org/wiki/Style_of_the_British_sovereign#English_sovereigns

https://www.thinglink.com/scene/630463963527643136
Bien qu'il soit censé valider la thèse de l'évolutionnisme soutenue par la connaissance commune et le roman national, le titre de «rex Franciae» a complétement disparu de notre tableau. On ne trouve aucune trace de cette étape fondamentale, même si elle aurait dû prouver la transition naturelle entre le «Francorum rex» latin et le «roi de France» français.
Cette absence d'un titre intermédiaire, permet de fonder toute la critique adressée à l'optique anachronique, d'une histoire passée au prisme du nationalisme. Une telle histoire pèche par son heuristique impuissante. Elle se montre, en effet, incapable de découvrir de simples faits. Et au contraire, elle en invente d'autres pour satisfaire ses besoins idéologiques.
La «collection de sceaux des rois et des reines de France» se montre incapable de nous renseigner sur l'identité du premier «rex Francie», car selon les critères nationalistes modernes, même si Édouard III Plantagenêt, petit-fils du Capétien Philippe IV Le Bel, fils d'Isabelle de France et d'Édouard II (mort en 1327), parle encore très certainement français, il passe aujourd'hui pour un «Anglais» !
En réalité, dans un contexte féodal qui ne connait pas encore le concept de nation, les cousins rivaux n'ont pas oublié leur lien de parenté. Dans une communication au Parlement en janvier 1338, Édouard évoque la demande du Pape de parvenir à «un traité de paix avec notre parent consanguin de France.»1 (MOEGLIN.2012: 889)
Le souverain Plantagenêt semble avoir été contraint de réagir à la politique agressive menée par son cousin Valois. En août 1337, Philippe VI avait confisqué la Guyenne, et d'une manière générale Édouard se plaignait déjà au pape, ou à son légat, d'être victime d'injustices répétées: «Nous défions désormais, comme la nécessité nous y oblige, le dit Philippe en tant que violateur desdites trêves et notre ennemi et persécuteur capital, et l’injuste usurpateur de notre royaume de France, et le téméraire envahisseur de tous nos autres droits.»2 (MOEGLIN.2012: 891)
Pour se préserver des persécutions du Valois, Le Plantagenêt se décida d'entamer la lutte pour priver son cousin de son pouvoir de nuisance et lui ravir son trône. Édouard dès lors commença à revendiquer ses droits sur la couronne de France: «C’est le 7 octobre 1337 qu’Édouard III mentionne pour la première fois officiellement sa revendication de la couronne de France» (MOEGLIN.2012: 889)
Il saisit l'occasion de la construction d'une union commerciale et financière avec le Comté de Flandres, pour appuyer sa «revendication dynastique […] au trône de France.» (ROYER-HEMET. 2012:31) Il adopta le titre de «Rex Angliae et Franciae et Dominus Hiberniae et Dux Aqvitanie» le 23 janvier 1340 à Gand. (LETTEHOVE.1866: 479-480)
«Ce fut par le conseil d'Artevelle qu'Édouard prit ce titre de roi de France que ses successeurs n'ont point encore quitté. L'objet de cette démarche était de lever le scrupule que les Flamands pouvaient se faire de porter les armes contre leur suzerain: or ce suzerain était le roi de France, quel qu'il fût.» (PANCKOUCKE.1784: 248)
Mais plus encore que le seul ralliement des Flandres, on peut comprendre la stratégie plus large suivie par Édouard III qui cherche à contourner l'obstacle de la «loi salique.»
Dans l'appareil critique accompagnant sa traduction de «La Nouvelle Atlantide» de Francis Bacon, Michèle Le Doeuff résume la pomme de discorde que représente cette «loi salique»:
«En effet, depuis le XIVème siècle, les Anglais assurent que cette «loi» (qui stipulerait que "in terram salicam mulieres non succedant", que les femmes sont exclues de la succession de «la terre salique») s'applique seulement au canton de Sale, ou à une vieille ville du Rhin nommée Salem, ou à une région d'Allemagne située entre l'Elbe et la rivière Sala (Saale) - en tous cas pas à la France: car, si elle ne vaut que pour cette «terre salique», alors la prétention des souverains anglais à la couronne de France est légitime.»
En 1600, Shakespeare (Henri V, I, 2) a donné un exposé magistral de ce point juridico-géographique : "il est clair comme le jour en été" que Henri V, héros de la pièce, est roi de France. Sir Henri Wotton revient sur ce sujet: c'est une loi locale, applicable à la seule ville de Salem, et qui n'a jamais valu pour la France, ce que déjà un duc de Bourgogne a crié haut et fort, quand Philippe dit Le Long a été créé roi de France alors que le royaume aurait du revenir alors à Jeanne, fille de Louis le Hutin...Dans ses Apophtegmes, Bacon suit Hall, un auteur du milieu du XVIème siècle, et dit que la loi salique est tout simplement "une fiction" (Sp. t. VII, p. 151). Hall disait une fiction inventée pour priver les Anglais de leurs justes droits sur la France. (LE DOEUFF.1997: 139)
Les doutes sur l'existence de cette loi ont pu s'appuyer sur des désaccords entre es différents recueils de lois à différentes époques. Effectivement, si le recueil des anciennes lois de Jourdan, Decrusy, Isembert suppose la rédaction de la loi salique vers 422 ou 424, les auteurs remarquent que le recueil de Baluze de 1677, ne fait pas mention de la loi originale "ni des révisions successives de Clovis, Dagobert, etc. quoiqu'on ait celle de 630, Baluze n'a fait connaitre que la réformation de Charlemagne."
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65212800/f33.item

Honni soit qui mal y pense / Dieu et mon droit
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_II_(roi_d%27Angleterre)
#/media/Fichier:Coat_of_Arms_of_England_(1660-1689).svg
Ainsi, en abandonnant toutes prétentions au titre de «roi des Francs», Édouard s'estime libéré des traditions du système de transmission du pouvoir, auquel sont soumis les Francs «saliens.» Si la «loi salique» s'applique nécessairement au «Francorum rex», elle ne concerne pas le «rex Franciae.»
Les successeurs d'Édouard III resteront «King of France» jusqu'en 1801.
«In 1800, the British and Irish Parliaments passed an Act of Union that took effect on 1 January 1801 and united Great Britain and Ireland into a single state, known as the «United Kingdom of Great Britain and Ireland.» George used the opportunity to abandon the title «king of France», which English and British sovereigns had maintained since the reign of Edward III.»3
Les armoiries britanniques arborent encore aujourd'hui une devise en français, «Dieu et mon Droit», afin de rappeler les revendications des souverains d'outre-Manche.4
Notes et bibliographie :
1 Tractatum de Pace cum Consanguineo nostro Franciae habere (RYMER. 1739,t2p3 :200)
2Nosque ab earum observatione liberos & exutos , ut cum pace & reverentia Sanctitatis vestrae loquamur, Praefatum Philippum , ut Violatorem dictarum Treugarum, ac Inimicum & Persecutorem nostrum Capitalem , & Regni nostri Franciae Occupatorem Injustum , & aliorum Jurium nostrorum(RYMER. 1739,t2p4:176)
3Weir, Alison (1996). Britain's Royal Families: The Complete Genealogy (Revised ed.). London: Random House. ISBN 0-7126-7448-9. - cité par Wikipédia, article George III [112] - https://en.wikipedia.org/wiki/George_III#cite_note-weir286-118
4Juliet Barker (2 September 2010). Agincourt: The King, the Campaign, the Battle. Little, Brown Book Group. p. 24. ISBN 978-0-7481-2219-6. - cité par Wikipédia, article Dieu et mon droit [4] -https://en.wikipedia.org/wiki/Dieu_et_mon_droit#cite_note-Barker2010-4
LE DOEUFF, Michèle. Appareil critique de la traduction de BACON, Francis. La Nouvelle Atlantide. Flammarion, Paris. 1997. ISBN 2080707701
LETTENHOVE (de), Kervyn. Artvelde, Jacques D'. Biographie Nationale de Belgique. Tome Ier. Bruxelles. 1866. Disponible en ligne - https://fr.wikisource.org/wiki/Biographie_nationale_de_Belgique/Tome_1/ARTEVELDE,_Jacques_D%E2%80%99
MOEGLIN, Jean-Marie. Récrire l'histoire de la Guerre de Cent Ans. Une relecture historique et historiographique du traité de Troyes (21 mai 1420) Revue historique, 2012-664(4), 887-919. https://doi.org/10.3917/rhis.124.0887
PANCKOUCKE, Charles-Joseph. Encyclopédie méthodique (1784). Histoire. Tome I. Article Artevelle. p.428 - https://books.google.cz/books?id=zokPAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
ROYER-HEMET, Catherine. Édouard III d'Angleterre, un roi médiéval aux multiples visages. In: Bulletin des anglicistes médiévistes, N°81, Été 2012. pp. 25-41. DOI : https://doi.org/10.3406/bamed.2012.1092 - www.persee.fr/doc/bamed_0240-8805_2012_num_81_1_1092
RYMER, Thomas. Foedera, conventiones, litterae et cujuscumque generis acta publica inter reges Angliae et alios quosvis imperatores, reges, pontifices, principes vel communitates, 3e édition par Hagae Comitis : Neaulme, Londres, 1739, t. 2. Disponible en ligne - https://archive.org/details/fderaconventione02ryme/page/n647/mode/2up

To mark his claim to the French crown, Edward quartered the arms of France, placing them in the first and fourth quarters.
https://en.wikipedia.org/wiki/Edward_III_of_England
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L’origine contestée de la loi salique. Une mise au point
https://doi.org/10.4000/ifha.365
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L'Anglais Henri VI, couronné... roi de France à Notre-Dame de Paris
Et en 1431, à l’âge de 10 ans, le voilà qui se fait sacrer roi de France, à Notre-Dame.
Le chroniqueur Enguerrand de Monstrelet décrit la cérémonie :
« Le 17e jour de décembre se partit de Vincennes toute la grande seigneurie, tant de gens d’église comme séculiers, et s’en vint à l’église Notre-Dame de Paris pour être sacré. Auquel lieu Notre-Dame, avait en la nef un grand échafaud de bois de 80 pieds de long, et haut jusqu’au crucifix du jubé.
« Ci montait-on dedans icelui par la nef, et descendait-on par autre dedans le chœur : et fut ledit roi sacré par le cardinal de Vincestre qui chanta la messe.
« Et quand ce vint à l’offertoire, ledit roi offrit vin et pain ainsi qu’il est accoutumé de faire en tel cas. Et furent faites en jour toutes les besognes appartenant audit sacre, et plus en suivant les coutumes d’Angleterre que de France. »
Avec Napoléon Ier, Henri VI d’Angleterre est le seul souverain sacré à Notre-Dame de Paris !
https://fr.anecdotrip.com/langlais-henri-vi-couronne-roi-de-france-a-notre-dame-de-paris-par-vinaigrette

HENRICUS DEI GRATIA FRANCORUM Z ANGLIE REX
Revue Numismatique. Vol. 11. 1846
https://books.google.cz/books?id=22wmAQAAIAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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(Jerome, 5. 10. 2025 16:18)