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Du Rex Francorum au Roi de France - I.bis

Roman national et documents sigillaires. Le cas de Philippe II Auguste.

 

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Précédent :

Du Rex Francorum au Roi de France - I

Roman national et documents sigillaires. Du supposé Clovis aux premiers Capétiens.

https://www.fr-tul.cz/clanky/recherches---publications/du-rex-francorum-au-roi-de-france---i.html

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Philippe II, premier roi de France ?

  

conquetes_philippe_auguste.gif

La lutte pour les Gaules : les Plantagenêts (rouge), 

le domaine du Roi des Francs (bleu) et de ses vassaux (vert), les possessions ecclésiastiques (jaune)

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_de_France#mediaviewer/Fichier:Conquetes_Philippe_Auguste.gif

 

Le mythe de la France éternelle voudrait que

« entre 1150 et 1250 environ, la royauté française s'installe et s'enracine dans ses rites et son idéologie. Le roi des Francs devient le roi de France. »

http://www.fdn.fr/~rebours/clovis.htm

Plus précisément, sous le règne de Philippe II...

né en 1165 à Paris et décédé en 1223 à Nantes, Philippe II dit Philippe Auguste est le septième roi de la dynastie des Capétiens. Fils héritier de Louis VII et d'Adèle de Champagne, Philippe Auguste reste l'un des monarques les plus admirés et étudiés (sic!) de la France médiévale en raison de sa longueur de règne, de ses importantes victoires militaires ainsi que des progrès essentiels accomplis pour affermir le pouvoir royal et mettre fin à l'époque féodale.

https://www.doc-du-juriste.com/droit-public-et-international/histoire-et-philosophie-du-droit/dissertation/ordonnance-testament-philippe-ii-auguste-organisation-gouvernement-royaume-administration-domaine-480285.html

 

... apparaît, à partir de 1190, [le titre] de rex Franciæ, roi de France11 qui sera dès lors en concurrence avec le titre de rex Francorum (sic.) jusqu'à la Révolution.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_monarques_de_France

 

On retrouve cette affirmation dans la littérature commune en anglais ou en polonais.

King of France, and the first to be called by that title

https://www.wikidata.org/wiki/Q34428

Notons que la version polonaise suppose une titulature en français.

Od panowania Filipa II Augusta tytuł przybrał formę Król Francji (Roi de France)

https://pl.wikipedia.org/wiki/W%C5%82adcy_Francji

Il faut cependant relever que les traités et conventions de paix signés entre les vassaux ou alliés et le royaume de France mentionnent sans exception Philippus rex Francorum (sic.), Philippe roi des Francs ou des Français, à la différence par exemple de Richard roi d'Angleterre (rex Angliæ – en usage depuis Henri II – 1154 – fils d’Henri Ier, créateur du système Tally Stick). »“

http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_de_France

Le document qui donnerait corps à ce changement légendaire de titre, est communément appelé l’Ordonnance-testament de 1190

qu'il fait rédiger [à destination des deux régents que sont la reine mère, Adèle de Champagne, et son frère, l’archevêque de Reims, Guillaume aux Blanches Mains] pour organiser la régence [pendant l'absence du roi parti en croisade] considérée comme « la première Constitution de l'histoire capétienne. »

https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%AB-philippe-auguste-%C2%BB-de-john-baldwin

Les savants ne manqueront pas de rappeler l'importance de ce document dans la construction de la connaissance directe:

"L’histoire ne peut se faire sans documents, et les documents ont tranché : c’est Philippe Auguste (1165-1223). Pourquoi ? Parce qu’il est le premier à être qualifié, dans ses actes officiels des années 1190, de rex Franciae, et non plus seulement de rex Francorum (sic)."

http://www.maveritesur.com/laurent-avezou/non-clovis-n-est-pas-le-premier-roi-de-france/671

Et même si des transcriptions peu sérieuses font état de "roi de France"...

https://docs.school/histoire-et-geographie/histoire-medievale/dissertation/ordonnance-philippe-auguste-9461.html,

 

... en réalité, ce document, librement disponible en ligne et universellement accessible, ne laisse apparaître nulle part le titre mythique.

Au contraire, il y est fait usage du traditionnel "roi des Francs":

 

In nomine sancte et individue Trinitatis. Amen.

Philippus Dei gracia Francorum rex.

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114540f/f460.

image.r=%22testament%20de%20philippe%20auguste%22?rk=42918;4

 

Une fois abandonnée l'hypothèse de l'apparition du nouveau titre dans l'Ordonnance-testament de 1190, il n'en reste pas moins que les défenseurs de la version mythologique ne s’accordent pas vraiment sur la date exacte de l’apparition supposée du titre Rex Franciae sous le règne de Philippe II Auguste (titre qu'on imagine nécessairement en latin !) Cette imprécision, dans la date d'apparition supposée du nouveau du titre, correspond à l'absence systématique de référence à tout document concret qui viendrait confirmer une date à ce changement de titre.

Dans son article Études sur le « Registrum Veterius » et la date de quelques actes de Philippe-Auguste  (1938), les documents cités font systématiquement mention du traditionnel Francorum Rex, même si au contraire, les commentaires de Charles Petit-Dutaillis évoquent uniquement le Roi de France

On ne sait vraiment à quel document précis se référer. La date du changement reste tout autant mystérieuse : 

 « Alain Derville, né en 1924, agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur à la Faculté des Lettres puis à l'Université de Lille III dans son livre La société française au Moyen Âge, 2000, p. 264 dit que "dès 1200, Philippe Auguste abandonna le titre de roi des Francs (rex francorum) par celui de roi de France (Rex franciæ)". Marie Thérèse Jones-Davies, professeur à l'Université Paris Sorbonne dans Langues et nations au temps de la Renaissance p. 39, dit que "Cette titulature devint officielle en 1181 lorsque Phillippe-Auguste déclara : Philippus Dei gratia Franciae rex (Philippe roi de France par la grâce de Dieu)". Alain de Benoist dans La ligne de mire, p. 62, dit que : "l'expression rex Franciae n'apparaît qu'au XIIIe siècle sous Philippe Auguste après la défaite de Muret" (le 12 septembre 1213 - dans le cadre de la croisade contre les Albigeois commencée en 1209.)»

http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Philippe_II_de_France

Cette date de 1213 correspond aussi à la conquête (?) du Comté d'Auvergne.

Rémy Roques. La « conquête de l’Auvergne » par Philippe Auguste 

https://doi.org/10.4000/ccm.4516

Une autre date qui symboliserait l'avènement du roi de France, serait celle de la bataille de Bouvines en 1214 :

Symboliquement depuis 1214, quand les troupes du roi Philippe Auguste battent celles de l’empereur germanique à Bouvines. On utilisait depuis l’an 883 le mot Francia (pays des Francs) et, avant cette date, Gallia (pays des Gaulois). En grec, la France s’appelle toujours Gallia.

https://www.caminteresse.fr/histoire/depuis-quand-notre-pays-sappelle-t-il-la-france-108800/

 

Bernard Guenée (Politique et histoire au Moyen Âge. 1981) se réfère à la date traditionnelle de l'Ordonnance-testament, mais il évoque aussi 1204. Il implique sans doute que la  "France" serait la notion correspondant au nouveau territoire défini après la conquête de la Normandie.

Robert Gaguin avait lui aussi imaginé une France née du mariage des domaines d'Anne de Bretagne et de Charles VIII;

c'est aussi sans doute son mariage avec Berthe de Bourgogne, que le Franc Robert II voulait célébrer en endossant le titre de FRANCORUM REX en 997

« En 1190Rex Francie apparaît dans quelques actes influencés par les traditions des Plantagenêt. Puis en 1196 l'expression se trouve dans des actes plus quelconques. En  enfin, Philippus rex Francie est utilisé dans le protocole initial des lettres royales. Et en  apparaît pour la première fois Regnum Francie7. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_Auguste#cite_note-8

La narrative en anglais de Wikipédia confirme cette idée de d'apparition progressive du titre :

The first king calling himself rex Francie ("King of France") was Philip II, in 1190, and officially from 1204. 

https://en.wikipedia.org/wiki/Kingdom_of_France

La doxa anglophone reprenant la catégorisation de Sigilla.org, comporte le mérite de la clarté conjuguée au paradoxe. Ainsi, les rois des deux premières dynasties sont automatiquement rois des Francs, alors que les Capétiens seraient déjà roi de France.

Dans le même temps, dans le cadre d'une hypothèse Philippe Auguste premier Roi De France, il faudrait admettre qu'il existât un royaume de France capétien, depuis 987, qui attendit plus de deux siècles l'avènement de son premier roi, timidement en 1190, mais définitivement et triomphalement en 1204 après l'annexion de la Normandie continentale au domaine royal.

Par facilité de langage, une certaine narrative assume un Roi des Francs régnant sur le territoire désignée dans sa délimitation latine par la notion de Francia

Citant Colette Beaune, Naissance de la nation France, les rédacteurs de l'article Francie renforcent encore ce sentiment de confusion générale baignant l'apparition supposée du titre de Roi de France (mais parlant toujours latin), qui serait le fait de Saint-Louis (Louis IX) :

C’est en 1254 que Rex Francorum (sic.) laisse la place à Rex Franciæ.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Francie#cite_ref-Naissance_de_la_nation_France_43-2

Cependant, Louis Carolus-Barré (1976) remarque qu'à l'époque de Louis IX, de rares actes adressés à des administrations territoriales du nord-est de Paris, ou les traités diplomatiques adressés aux Plantagenêts, sont rédigés en langue vulgaire et le Roy de France n'y apparait que comme traduction de Francorum Rex :

Ailleurs, dans la Douce France chantée par les poètes, c'est plus tardivement et de façon plus ou moins sporadique que l'on rencontre des actes en langue vulgaire, dans l'énorme masse des documents rédigés traditionnellement en latin.

La plupart de ces actes, encore assez peu nombreux, émanent d'échevinages urbains (ex. : Douai, Tournai, Metz -) ou bien de seigneurs de petite ou moyenne importance : chevaliers, écuyers, — parfois même (mais plus rarement) d'une autorité ecclésiastique.

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1976_num_120_1_13222

Dans cet ensemble rédigé en langue latine, il m'est arrivé — alors que depuis de longues années je m'attache à rassembler les actes de Louis IX — de trouver quelques actes en langue vulgaire : tel mandement adressé en picard au maire féodal de Clermont-en- Beauvaisis (1255), deux autres à la commune de Montreuil-sur-Mer (1255, 1257), une dizaine d'autres encore adressés aux gardes de la forêt de Retz (auj. Villers-Cotterêts) (1227-1258), — mais le texte de ces divers documents est conservé seulement en copie, et l'on n'a pas de mal à déceler qu'il s'agit de traductions faites sur des originaux rédigés en latin.

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1976_num_120_1_13222

Principe d'incertitude

Ce dernier commentaire sur le style si particulier et immédiatement identifiable de la traduction au mot à mot, s'il satisfait les exigences des "spécialistes" en littérature, n'en laisse pas moins découvrir un seuil infranchissable en terme de connaissance directe.

Puisque que les copies et les traductions s'accumulent, l'erreur du copiste est devenue un principe d'incertitude incontournable. A l'image d'une rationalité physique, se pliant à l'exigence positiviste de la preuve et se résolvant à adopter l'idée de vide quantique, la rationalité historique doit exiger, par principe positiviste, la preuve historique de l'existence d'un document afin d'en supposer la datation. 

Face à la possibilité systématique de présence de l'erreur, la connaissance directe de l'historien doit admettre que la copie ne fait foi que d'elle même, elle ne prouve en aucun cas l'existence de l'acte copié.

En 1888, Elie Berger résumait ce principe fondamental, en constatant que (à propos des Actes de Louis VII): "Ces lettres, que nous ne possédons plus sous leur forme première, ne prouvent rien contre les actes authentiques."

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1884_num_45_1_447246

Si les copies "ne prouvent rien", elles s'avèrent alors, incapables de prouver l'existence de ces originaux !

L'histoire extra-subjective exige de n'admettre aucune datation antérieure à la copie. L'esprit s'accorde aisément à appliquer ce principe devant l'existence supposée d'Hugues Capet Francorum Rex. Même si une grossière représentation du sceau prétend copier un original supposé, le style totalement incohérent laisse deviner une simple invention du copiste.

L'application généralisée et systématique de ce principe positiviste se révèle capable de révéler des cohérences significatives insoupçonnées. 

La série expérimentale observée par Louis Carolus-Barré...

La plupart de ces actes, encore assez peu nombreux, émanent d'échevinages urbains (ex. : Douai, Tournai, Metz -

...devient une série particulièrement signifiante...dans le cadre de la conquête de la Lorraine, de la découverte du tombeau de Childéric et la construction de la narrative mérovingienne. 

En appliquant ce principe, on évite aussi les éternelles arguties dans lesquelles peuvent s'enfermer toutes les énergies du débat. Pierre Dortiguier dénonçait déjà cette situation en citant un auteur anonyme des Monumenta Germaniae Historica (certainement Carlrichard Brühl) à la 10ème minute de sa conférence sur les approches récentistes :

les archives seraient truffées de faux, implantés, d'époque en époque, par des clercs académiques au service du clan encore au pouvoir des siècles plus tard...

C'est donc probablement sur la base d'archives éparses, de documents "quelconques" (Bernard Guenée) que la légende s'est créée, colportée de génération en génération par des "savants" peu pressés de corriger les erreurs accumulées par les copistes...

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Si alors l'étude des "documents" mal copiés s'avère peu capable de révéler la date exacte de l'apparition du titre de Roi de France, le déchiffrage de la légende inscrite sur les sceaux royaux, bénéficiant de l'attention toute protectrice de leur Garde, pourrait au contraire fournir une information plus fiable. A condition toutefois de se méfier des savants commentateurs...

A partir de 1190, le sceau de Philippe Auguste est gravé de la mention en latin : Rex Franciæroi de France1, mais la titulature latine rex Francorum (sic.) reste par ailleurs en usage jusqu'à la Révolution.

référence : Jean-Paul Meyer,Les Fils de L'An 2000 Essai [archive], 1998, p. 61

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_monarques_de_France#Titres_officiels

...pour leur préférer la connaissance directe rendue possible grâce à la numérisation et au réseau mondial, permettant à chaque utilisateur d'accéder directement aux documents, de se constituer dès lors en un Citoyen libéré (de l'habitude des autorités et de leurs arguments rhétoriques) et d'entrer de plein droit dans la Cité du savoir:

http://www.sigilla.org/sceau-type/philippe-ii-auguste-deuxieme-grand-sceau-21788

On s'aperçoit alors que l'affirmation des rédacteurs de Wikipédia, reprenant celle de J.P. Meyer, et prétendant que le titre de Rex Franciae apparait sur le sceau du roi dès 1190, est en totale contradiction avec l'observation directe des sceaux royaux numérisés sur sigilla.org.

Elle contredisait déjà l'inventaire des sceaux royaux effectué par Natalis de Wailly dans son article sur une collection des sceaux des rois et des reines de France (1843.) On peut lire à la page 479 de cet article, que les rédacteurs de Wikipédia se gardent bien de référencer dans leur article consacré au savant :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Natalis_de_Wailly

Philippe II. Philippus. Di. Gra. Francorum Rex. Au contre sceau une fleur de lis épanouie. 1219

http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451718

 

Le testament de Philippe II, rédigé en 1222, fait toujours mention du Francorum rex :

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/testament-olographe-de-philippe-auguste-donne-a-saint-germain-en-laye_parchemin_1222?force-download=65372

 

Philippe Auguste, de son propre aveu, aura été, jusqu'à sa mort...

 

...Roi des Francs.

che-19-montrond1836chapitre10philippe2.gif

PHILLIPVS DEI GRATIA FRANCORUM REX

Sceau et contre-sceau de Philippe II Auguste
(dessin quelque peu idéalisé d’un manuel de diplomatie de 1759)

http://www.corpusetampois.com/che-19-montrond1836chapitre10.html

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En colportant cette légende du premier Roi de France, les docteurs et autres professeurs d'histoire font preuve d'un étrange paradoxe dans leur méthodologie. Comme si leur mémoire déclarative se distinguait par son efficience, alors que leur mémoire procédurale demeurerait inerte.

C'est un argument d'autorité, rendu anonyme par la force de l'habitude, qui est implicitement employé.

Plein d'admiration pour un ancien professeur d'histoire, dont la figure structure désormais la propre représentation inconsciente de l'historien, on répète le mythe, sans même s'astreindre à la discipline de la connaissance directe, issue de la seule étude des documents.

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L'origine du mythe

Dans une remarquable synthèse d'historiographie, Rémy Rocques (2019) pourrait expliquer comment la figure de Philippe Auguste attire naturellement sa réputation de premier Roi de France :

Dénigré par les romantiques qui, dans la première moitié du xixe siècle, lui reprochent son manque d’esprit chevaleresque, Philippe Auguste (1180-1223) est érigé en champion de l’unité française par les historiens méthodiques, avant d’apparaître, dans les années 1980-1990, comme le fondateur de la « monarchie administrative ». Au cours de son règne, la justice et les finances sont réorganisées, le droit savant devient un instrument au service des prétentions royales, le contrôle territorial et celui des officiers se précisent. Ces transformations, pour l’essentiel intervenues dans les années 1190-1235, consolident et préparent les conquêtes territoriales. Philippe Auguste profite également de la mort de Richard Cœur de Lion (1199) et de l’affaiblissement de l’empire des Plantagenêts pour placer plusieurs principautés et seigneuries sous sa domination. Le domaine royal s’accroît, le cortège des vassaux se renforce et les richesses s’accumulent, en même temps que sont confortées les assises symboliques de la royauté.

Rémy Roques. La « conquête de l’Auvergne » par Philippe Auguste 

https://doi.org/10.4000/ccm.4516

Un nouveau style de transmission :

Les premiers Capétiens firent élire et sacrer leurs fils aînés de leur vivant. Philippe Auguste s’en dispensa ; lorsque son fils Louis -VIII, dit le lion - lui succéda après sa mort en 1223, l’hérédité gagna le statut de coutume légale faisant partie des lois fondamentales. Cette origine élective était symboliquement rappelée lors du sacre des rois de France lorsque les pairs soutenaient la couronne avant que la tête du roi n'en fût ceinte.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Monarchie_%C3%A9lective

Les copistes

Dans tous les actes de Philippe-Auguste que j'ai vus, soit en original, soit dans les registres originaux de la chancellerie, le roi se qualifie sans exception rex Francorum (Sic !)  ou rex Franc. La forme rex Franciae ne s'y est pas présentée une seule fois. Je regarde donc comme à peu près démontré que cette formule n'était pas usitée à la chancellerie de Philippe-Auguste.

Léopold Delisle. Catalogue des actes de Philippe-Auguste. 1856. Introduction, p. lxiv

https://archive.org/details/cataloguedesacte00deli/page/n71/mode/2up

Léopold Delisle précise :

Mais, de ce que le roi ne prenait pas le titre de rex Franciae, il n'en faudrait pas conclure que ce titre fût alors inconnu. Les historiens du XIIème siècle l'ont fréquemment employé...

https://archive.org/details/cataloguedesacte00deli/page/n71/mode/2up

En 1884, Elie Berger rappelle que les documents concernant Louis VII et un hypothétique titre de Dux Aquitaniae sont de même nature :

Les pièces émanées de Philippe-Auguste dans lesquelles on trouve la  forme Franciae rex doivent être corrigées.

La formule Rex Francorum et Dux Aquitanorum dans les actes de Louis VII

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1884_num_45_1_447246

La tradition, idéologique et faisant fi de toute précision, consistant à traduire Rex Francorum par Roi des François est déjà présente dans le nouveau traité de diplomatique (1759 - Tome 4, p.67) : Les Mérovingiens ajoutent à leur nom le titre de Roi des François.

https://books.google.cz/books?id=0pQm-qZq5IMC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

La fleur de lis

On pourrait également tenter de comprendre cette origine du mythe du premier roi de France dans l'article Fleur de Lis  de l'Encyclopédie. Histoire. Tome I. 1784. (p.69) :

Comme les rois de France n'ont point eu d'armes avant le XIIème siècle, les fleurs de lis n'ont pu être employées qu'après ce temps-là. Phillipe-Auguste est le premier qui utilisa la fleur de Lis seule au contre-sceau de ses chartres.  

https://books.google.cz/

Cependant, tout comme les deux lions soutenant le roi, la fleur de Lis était déjà bien présente sur le sceau du Roi des Francs au moins depuis le règne de Robert le Pieux vers l'an Mil.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_II_le_Pieux#/media/Fichier:Sceau_de_Robert_II_le_pieux.jpg

La numismatique

Du point de vue de l'histoire de la numismatique, c'est à l'époque de Philippe Auguste qu'une partie de la légende est gravée, pour la première fois en français, sur certaines de ses monnaies:

La langue des légendes monétaires royales fut à quelques exceptions près le latin jusqu'en 1789. Seuls quelques deniers de Philippe Auguste (1180-1223) frappés en Picardie et en Artois vers 1190-1200 portèrent le nom de l'atelier en ancien français (Arras, Péronne, Moustereul pour Montreuil-sur-Mer)

http://classes.bnf.fr/franc/nav/droite/dte_chev.htm

 

mouturel_philppe.jpg

Denier parisis de Montreuil-sur-mer : MUTURUEL - lat  :Monasteriolum

https://www.cgb.fr/philippe-ii-dit-philippe-auguste-denier-parisis-n-d-montreuil-sur-mer-tb-,bry_478391,a.html

 

Le garde des sceaux

Mais plus encore, ce mythe tire certainement sa force dans le jeu qu'il sera fait autour de la fonction de Garde des Sceaux, inaugurée par Philippe Auguste

[qui] fit élever Guérin dès 1201 à la dignité de garde des sceaux, chargé de conserver les sceaux et les archives royales, pendant la vacance de la chancellerie, il avait été chargé par le roi de garder la matrice des sceaux royaux, qui permettait de garantir l’authenticité des documents officiels du royaume. Cette tradition a traversé les siècles : l’actuel ministre de la Justice continue de conserver, dans son bureau, la presse servant à établir le sceau officiel de la République, qui date de 1848.

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Garde_des_sceaux_de_France

https://fr.wikipedia.org/wiki/Garde_des_sceaux_de_France#Sous_l'Ancien_R%C3%A9gime

C'est Charles de L'Aubespine, en 1633, qui incarnera le plus héroïquement la fonction de Garde des Sceaux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_L%27Aubespine

Les Plantagenêts

Sans doute, le mythe trouve également sons origine dans une volonté de gommer la différence séparant Philippe de Richard, roi d'Angleterre 

(rex Angliæ depuis le roi Jean, 1199 ou Henri II, 1154 ? - le titre des des souverains anglais a d'abord été Rex Anglorum à parir de 1066 : https://en.wikipedia.org/wiki/Style_of_the_British_sovereign#English_sovereigns), 

pour mieux souligner les ressemblances entre son Ordonnance et celles des Plantagenêts : la Magna Carta des années 1215 :

Henricus Dei gratia rex Anglie, dominus Hibernie, dux Normannie, Aquitanie, et comes Andegavie, archiepiscopis, episcopis, abbatibus, prioribus, comitibus, baronibus, vicecomitibus, prepositis, ministris et omnibus ballivis et fidelibus suis presentem cartam inspecturis, salutem. 

https://oll.libertyfund.org/page/1215-magna-carta-latin-and-english

Dans ce contexte de concurrence entre les souverains des deux côtés de la Manche pour le contrôle des Gaules,  c'est Edouard III Plantagenêt, cherchant à se rallier les Flandres au dépend de Philippe de Valois, qui adopte le titre de Roi de France et devient Rex Angliae et Franciae et Dominus Hiberniae (1340). Il aura sans doute paru nécessaire à la gloriole nationale, de créer un Rex Franciae qui fût antérieur à celui qui trônait en perfide Albion !

 

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Suivant:

Du Rex Francorum au roi de France - II

Roman national et documents sigillaires. Les Plantagenêts Rex Franciae

Edouard III Plantagenêt, premier Rex Francie

https://www.fr-tul.cz/clanky/recherches---publications/du-rex-fracorum-au-roi-de-france---ii.html

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